Une aquarelle à la Pêche
Dans l’art, le travail de la matière, les empâtements, les textures et les collages apportent de l’intensité, soutiennent le sens et offrent une profondeur singulière au champ pictural. Je pense à l’art brut de Jean Dubuffet, ou encore aux aplats de couleurs vibrantes de Nicolas de Staël.
Face au thé, j’entrevois plutôt des aquarelles, transparence et légèreté, où la couleur s’infuse dans l’eau.
William Turner en est un témoin éclatant. L’été, il voyage, prenant des croquis d’une précision presque scientifique, comme pour capturer la lumière, les couleurs et les transparences d’un instant. L’hiver, de retour à Londres, il les réinterprète sur ses toiles, recréant l’atmosphère avec une intensité qui défie l’espace et le temps. Un travail captivant sur la lumière et l’évanescence avec comme force de mouvement : le voyage.
Cette capacité à faire renaître la lumière en dehors de son lieu d’origine rejoint ce que le thé offre comme possibilité : une restitution fidèle et vivante d’une émotion fragile, qui persiste au-delà de l’instant.
C’est une source d’inspiration inépuisable pour le thé, dont la recette doit pouvoir se lire à travers l’eau et la lumière. Une fragilité, une sensibilité qui appellent l’attention, comme si la douceur était la condition de l’écoute et donc de la présence.
Joseph Mallord William Turner, le lac de lucerne au clair de lune avec le rigi, 1841
the whitworth art gallery, manchester.
Mais comment parvenir à cette maîtrise et offrir une expérience d’attention plutôt que de seule intensité ? Car l’intensité ou la puissance tiennent souvent de l’injonction, elles impressionnent mais ne laissent qu’une force démonstrative, spectaculaire et vidée d’émotion.
Un thé vert à la pêche, par exemple, évoquerait immanquablement un thé glacé industriel, comme une toile saturée d’une épaisse matière corail. J’imagine plutôt une pêche que l’on tranche, que l’on découpe en quartiers, que l’on laisse se délier dans une eau fraîche.
Délicate, vive et rafraîchissante, elle n’est ni sèche ni confiturée, mais éclatante d’eau et de lumière. On la saisit, pleine de vie, puis on l’enrobe de lavande, à la fois fleur et aromate.
Cet accord vient alors se déposer sur un parterre de thé blanc Bai Mu Dan, littéralement «pivoine blanche». Il s’offre dans la tasse comme une composition subtile, nuancée, complexe.
À l’image d’une œuvre où chaque touche, chaque transparence révèle plus qu’elle ne montre. C’est ce travail de peintre, cette rencontre avec la splendeur, que je trouve le plus enrichissant.
À propos de Léna
L'infusion révèle une liqueur d'une teinte dorée, empreinte de la délicatesse du thé blanc et imprégnée des essences subtiles de pêche et de lavande.
Ce thé blanc offre un corps léger à moyen, apportant une texture soyeuse en bouche et une sensation rafraîchissante.